Lettre et le néant
Xavier Chatin

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Lettre et le néant


Dit-on Concerto au singulier et concerti, sans "s", au pluriel ? Le mot s'il vient de l'italien l'autorise, mais avez-vous jamais entendu concerti ? Ah les mots, entrelacs de lettres, entre lacs de l'être. Il suffit d'en changer une ou tout simplement de les intervertir pour qu'aussitôt le sens du mot change et donne sens à nos maux. On peut même jouer avec les consonances. Prenez Garance par exemple, très joli prénom aussi bien qu'une couleur ou une plante. Mais il peut tout aussi bien s'agir d'une fréquentation à éviter avec le gars rance rencontré hier. Garance sonne enfin comme un nom de rivière. La Durance. Imaginer cette eau qui coule au crépuscule dans un ciel chargé de garance, annonciateur de votre propre crépuscule. Fini le concerto, fini les concerti pour les plus chanceux d'entre nous. Ah, l'évanescence de la vie qui nous file entre les doigts aussi rapidement que le sable à l'intérieur du sablier. Le problème, ou chance de notre humanité est que la quantité de sable est finie. Don des dieux. Allah la dis donc ! Imaginons une humanité sans fin reproduisant à l'infini nos mêmes erreurs. Imaginez la quantité d'immondices que vous laissez derrière vous sans que ceux-ci soient pour le moins éphémères. Horreur absolue ! 

Bon là, j'attends le prochain mot. Ils tombent à intervalles réguliers, agréable symphonie de lettres, mais je préfèrerais personnellement un intervalle variations. Pourquoi pas l'évanescence de l'intervalle qui permettrait ainsi une accélération du tempo, un allegro de la fin. Ouvrons à fond les ailettes du carburateur, gorgeons les cylindres de notre bolide et précipitons nous contre le dernier arbre de notre vie. Arborescence de vies, arbre de mort.

Sachons aussi ralentir le bon temps, passer en mode zen en enfilant notre kimono, nos chaussettes à pouce et nos tongs. Profiter du temps allongé des bons moments pour retrouver l'horizon infini ou éternellement renouvelé des déserts. Une dune après l'autre qui nous dévoile la suivante et ainsi de suite jusqu'à épuisement de nos réserves, de nos forces pour devenir à notre tour sable, poussière et ainsi rejoindre le grand tout, l'univers, les vers enfin unis du poète dans l'éternité.

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©