Une belle journée sous les tropiques
Dominique Spanu

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Une belle journée sous les tropiques


Une belle journée sous les tropiques

Dans un creux du rivage elle cherche des coquillages.

La mer est calme un léger ressac trouble à peine le silence.

Des oiseaux piqueurs marquent le sable de leurs griffes, fouillant le sable en quête de nourriture.

Elle porte un grand sac pendu à la taille sur sa tête un chapeau de paille de riz à la mode

asiatique.

Au levant on entend à peine un bruit de moteur d’avion.

Elle ne prête pas attention.

La haut dans la carlingue du B29 Superfortress un bruit d’enfer, 12 hommes très concentrés.

Sur le rivage le bruit du moteur est maintenant plus précis. La petite femme gratte le fond de l’eau avec un bambou, toute à sa tache, elle ne lève pas la tête.

Les avions scintillent maintenant dans le dur soleil de l’équateur, c’est beau à voir.

Le dos courbé, cassée par des années de rizières elle continue sa recherche, certaine d’accomplir son devoir de mère.

Lunettes Ray Ban sur les yeux, masques à oxygène sur le nez, grosses montres d’acier au poignet, blousons de cuir casques et écouteurs sur les oreilles, ils font peur à voir.

La petite femme trouve des palourdes, des praires et d’autres coquillages qu’elle seule peut nommer.

La radio crépite. Aux commandes des mitrailleuses les hommes sont blêmes. Sur le côté de la carlingue le pilote Paul W. Tibbets a fait baptiser son zinc Enola Gay c’est le nom de sa grand mère et la bombe, c’est Little Boy, le surnom que lui donnait sa mère. C’est un bon petit gars. D’ailleurs il lui offre chaque année des chocolats à sa mère.

En bas la petite mère s’affaire, il faut nourrir les enfants. Les temps sont durs sans mari.

Le plan de vol est respecté scrupuleusement. Vent faible météo parfaite altitude 9448 mètres.

L’escadrille atteint la côte, les chasseurs montent bonne garde.

Elle remonte le bas de son pantalon informe, ajuste son chapeau. Elle a chaud mais elle continue son travail les yeux rivés sur le fond de l’eau.

Les yeux sont rivés sur les instruments, niveau de carburant altitude assiette compas boussole,

tout est en ordre. Personne ne parle plus. Dans 5 minutes sur zone.

Appel général à tous les chasseurs : dans une minute vous décrochez, on largue le bébé et on rentre à la maison. Bonne chance les gars

It's eight fifteen And that's the time that it's always been We got your message on the radio Conditions normal and you're coming home.

Les moteurs plein gaz, les 4 hélices hurlent tirant l’engin vers son but.

" Décrochez dans 10 secondes " on y est.

Chouet ! Misako a trouvé plein de moules elle est contente. Ce soir les enfants mangeront

un peu mieux que d’habitude.

Les mains crispées sur le manche, les pouces sur les boutons rouges, la sueur coule sur les visages, les chemises dégoulinent la sueur de la peur.

9 8 7 6 5 4 "larguez"

Il est 8 h 15

Demi tour sur l’aile il faut dégager.

Misako chantonne elle est contente de sa pêche

Dans 10 secondes l’apocalypse annoncée sera là. Enfin là.

Dans 10 secondes une ère nouvelle commencera.

Dans 10 secondes une ère finira.

Sur la plage elle met une belle huître dans son sac et puis.

3 2 1 ZERO plus rien.

6 Août 1945 8 h 45 minutes 10 secondes.

Desse ou DS up to you

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©