Adossée à la fenêtre ...
Andrée Sapin

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Adossée à la fenêtre ...


Adossée à la fenêtre qui laisse passer les bruits de la rue, mon regard a embrassé l’intérieur de cette pièce. Des fauteuils « crapaud » recouverts du même tissu vieillot et usagé que les rideaux ; ma grand-mère assise travaillant, cousant sur des manteaux de fourrure qu’elle ne portera jamais, hélas ! La chaleur de la cheminée près de son fauteuil, l’entoure et la préserve de ce début d’automne humide. Les rares meubles qui ornent la pièce, à demi circulaire, reflètent les pâles rayons du soleil. La petite table basse où repose sa boite à ouvrage, brille des nombreuses couches de cire qu’elle n’oublie pas de passer quotidiennement.

Ce lieu, assez petit, fait penser à un boudoir où quand je la rejoins, je prends plaisir à redécouvrir, chaque fois, le bruit assourdi de mes pas sur le vieux parquet recouvert de tapis. Je m’assois sur ces tapis, près de ses genoux et caresse les fourrures. Le lustre en verroterie, date un peu, lumière unique qui verse une lueur dirigée mais suffisante pour éclairer le labeur méticuleux de cette femme courbée et fatiguée.

De sa tête baissée s’échappe de sa chevelure, de son chignon bas, un halo de cheveux gris et blanc tel un duvet couronnant ainsi son visage. Les plis marqués de son regard soucieux et attentionné contrastent avec la légèreté environnante. Ses gestes fermes et précis font fléchir ce corps qui, d’apparence semblait immobile<.

Le silence fut légèrement rompu quand il entra après avoir tapoté doucement à la porte. Peu grand, plutôt massif, une longue barbe, le regard noir, cette apparence tranche dans cette ambiance feutrée qui m’entoure. Comment cette rugosité apparente, cette écorce fissurée et vieillie peut-elle renfermer la douceur de ses paroles qui me font oublier la crainte de son arrivée ? Qui est-il au juste cet homme que je vois rarement ?

Il s’approche de moi et de sa main longue et ferme, mais avec douceur, me caresse les cheveux puis il tourne son regard vers elle, dans un geste apaisant, glisse sa main sur sa nuque et ébouriffe doucement les volutes de ses cheveux. Elle sourit en relevant la tête, ferme les yeux, peut-être fait-elle un rêve ? Grand-mère reposa doucement le beau manteau de renard bleu sur lequel elle s’abimait les yeux. Il sortit de je ne sais d’où, peut-être de la doublure, un parfum inhabituel de genévrier que la cliente devait affectionner.

Une porte au loin claqua : derrière celle-ci fusa d’abord doucement puis de plus en plus fort, une musique étrange venue d’un autre pays, faite de vibrations, de cordes au tempo lent et doux, dominée par une voie d’homme, cet homme qui chante harmonieusement plus fort que la musique et qui nous oblige à écouter ces paroles saccadées, tranchées, la musique enfle à son tour, répond au chanteur et tous deux s’entremêlent et créent une osmose agréable qui vous invite à vous approcher de ce lieu d’où sortent ces contrastes musicaux. Mes grands-parents m'ont pris la main, nous sommes descendus dans le hall où attendaient mes bagages pour un départ inévitable.

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©