Brise
Arpette

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Brise


La douce chaleur de l’été commençant m’enveloppa et je me félicitais d’avoir accepté une fois de plus d’accompagner mes parents dans cette partie du Morbihan que j’appréciais de plus en plus. En fermant les yeux, le clapotis  des vagues me parvenait encore plus distinctement, des cris lointains de mouettes matérialisaient l’espace autour de moi et mon imagination me portait vers des iles lointaines. Tout était maintenant si loin, Paris, ses rues grises, l’odeur du métro, les escaliers étroits, les balcons inutiles.
Un bruit anormal me fit sursauter, troublant la torpeur dans laquelle je m’enfonçais, et dans un demi-sommeil je le vis.
Il avait jeté son dévolu sur une rame abandonnée et la secouait a qui mieux mieux. Se sentant observé, il s'arrêta net et me jeta un regard interrogateur. Je feins de ne pas le voir, mais me mis à le surveiller et il recommença alors à s’acharner sur la pièce de bois et me regarda de nouveau. Gênée, j’ai alors repris mon livre. Rassuré, il continua sa quête, son museau fouinant dans les rochers, son petit corps rabougri disparaissant et réapparaissant avec quelquefois un objet dans la gueule, bout d’algue, bois de mer, coquillage vide, plume de mouette jaunie. Ce petit animal insouciant devint pour moi le symbole de l’été et de ma propre appartenance discrète à ce paysage délavé, le garant de ma future tranquillité …
Alors, la famille apparut, les enfants en premier avec leurs sandales trop grandes, les genoux écorchés, les pelles et les seaux à la main. Les adultes suivaient, puis les femmes conquérantes drapées dans leur beauté estivale, les hommes ray bannés, courbés sous le poids des paniers et glacières en arborant un sourire de circonstance, jetant discrètement un regard dans ma direction. Ils s’arrêtèrent non loin de moi, étendant sur le sable les serviettes colorées.
Bon sang ! je prends du sable dans les yeux !!! OUIiii  je m’en occupe du parasol et comme d’habitude il va falloir le changer de place dans quelques minutes, car le soleil mesdames, ca tourne !!!
PAPA !!! les gâteaux !!! oui oui mes chéris, dans le gros sac à dos vert !!! pas le petit !! j'ai bien dit le gros !
Je savais que ces vacances allaient être ennuyeuses ! D’abord les enfants, alors que j’avais proposé de les envoyer en colonie, puis la présence de la copine divorcée avec ses histoires d’ex et de garde alternée. Bon le nouveau copain a l’air sympa, j’ai réussi à lui refiler le maximum de sacs à porter, mais elle aurait pu nous prévenir avant de l’inviter.
Ouah, regardez cette petite donzelle sur la gauche, là, qui fait semblant de lire, ça y est, elle me regarde !
Bon, la Bretagne, c’est bien, mais comme je me languis de la capitale, la bonne odeur de freins usés dans les couloirs du métro, les terrasses de café pleines de filles, mes soirées foot avec les collègues ! Bon sang elle a l’air de s'ennuyer !! J’irai bien lui tenir compagnie si... Cette fille me rappelle définitivement la fille de l’hôtel. Si ce crétin de Greg ne m’avait pas téléphoné, ça ne serait pas arrivé, je ne serais pas allé avec lui au bar de cet hôtel de luxe ou je ne mets jamais les pieds, je n’aurais pas proposé de rendez vous à cette prof venant quelques jours pour un séminaire. De quoi déjà ? Biologie moléculaire ? J’espère qu’elle maitrise son sujet, manquerait plus qu’il y ait une suite à cette aventure d’un soir ! En tout cas ces quelques jours de célibat m’ont fait du bien, leur souvenir m’aide à supporter le retour parmi mon « adorable petite famille », leur souvenir va m’aider à supporter les trois semaines à venir.
Bon sang, je jurerai que c’est elle, mais ce n’est pas possible, son séminaire n’est pas encore terminé, qu’est ce qu’elle penserait si elle me voyait ici, une serviette pliée sur ma tète, rentrant mon abdomen pour offrir mon meilleur profil à cette fille alanguie !!
Bon sang, heureusement je n’ai pas oublié les Ray Ban, elles me donnent un air avantageux et vaguement étranger !
Non !!!! La fille !!! Elle ramasse ses affaires et s’en va !

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©